25 avril 2012 3 25 /04 /avril /2012 18:19

Par Jean-Claude Pieri     2e partie     3e partie

 

    1/ PROLOGUE : LES COMMUNES LIBRES  ♦   


En 1919, au lendemain de la Grande Guerre, les Français ressentent le besoin légitime de faire à nouveau la fête afin d'effacer cinq années d'inquiétudes, de souffrances et de privations. Dans un pays déchiré, les veuves et les orphelins sont légion et le social est devenu inexistant.

Dans les villes, les municipalités essayent de répondre à ces aspirations en organisant des manifestations qui se révèlent plus souvent patriotiques que populaires.

Dans certains quartiers apparaissent alors des associations appelées communes libres qui, à contrario, versent dans l'humour, la dérision et la fête à outrance.

Ces « municipalités pour rire » sont administrées par un maire et un conseil municipal qui reproduisent de manière parodique les actes de la vie communale.

Si elles s'appliquent à offrir à leurs concitoyens ces festivités tant attendues, elles s'impliquent également dans une action philanthropique au profit de l'enfance déshéritée.

À l'origine de toutes, la Commune Libre de Montmartre, à Paris, est née un soir de l'hiver 1920 dans une salle du cabaret « Le Lapin Agile », place du Tertre.

Sa devise, « Faire le bien dans la joie » va devenir celle de la plupart des communes libres de France.

 

  2/ CAVAILLON S'AMUSE  ♦

 

Depuis 1911, certains quartiers de la ville, notamment ceux de Bellevue, de L'Abreuvoir et de La Tour Neuve, organisent leurs propres festivités.

En 1923, à l'initiative de son président, Joseph-Pierre Boitelet, le « Groupement pour la Défense et le Développement du Commerce Cavaillonnais » organise le premier Corso de Charité qui remporte un succès retentissant et devient rapidement une grande attraction régionale.

À partir de 1925, le casino de « La Cigale » présente de nombreux spectacles parisiens, parmi lesquels les délires satiriques des « Chansonniers du Grenier de Montmartre » ou les revues légères du « Théâtre du Moulin Rouge ».

 

  3/ LA COMMUNE LIBRE DE CASTIL-BLAZE  ♦

 

Né en 1931, ce « groupement humoristique, artistique et philanthropique » comme il se définit lui-même, se fixe pour objectif d'animer ce quartier cavaillonnais jusque-là privé de réjouissances et de manifestations populaires.

Au cours des premières années, son activité reste très discrète, presque ignorée, et se résume en des actions essentiellement caritatives au profit de ses jeunes concitoyens. C'est ainsi que chaque année, lors des fêtes de Noël, la municipalité procède à une distribution de bonbons aux enfants des chômeurs et aux petits pensionnaires de l'orphelinat Barillon. Elle s'implique, par des collectes publiques, dans la vente du Timbre Antituberculeux et récolte des fonds en organisant des soirées dansantes et des réveillons, dont certains sont restés mémorables !

En 1936, pour officialiser son existence, l'association organise au mois de juillet une grande fête populaire qui rencontre un succès sans précédent, à tel point que les organisateurs décident alors de la reconduire tous les ans à la même époque.

Désormais inscrite au calendrier événementiel de la ville de Cavaillon, la « Fête Votive de Castil-Blaze » devient une manifestation locale à part entière, au même titre que le Corso, la Saint-Gilles ou la foire commerciale.

 

La Commune Libre de Castil-Blaze

 

 

Carte de membre

Distribution de bonbons


    4/ L'ADMINISTRATION DE LA COMMUNE LIBRE  ♦

 

La Commune Libre est placée sous l'autorité d'un maire, élu par les membres de la commission administrative. Deux commerçants de la place se succèdent à cette fonction : « le glacier de la place » Émile Mathieu, de 1936 à 1938, et Claude Maréchal « le poissonnier sans égal », en1939 ; puis de 1945 à 1953.

 

La commission administrative assure la gestion communale, placée sous la double responsabilité du maire et d'un président. À ce poste se succèdent Lazare Depouzier (1936-1939,1945-1946) puis Jacques Chardon (1947-1953) qui, profession oblige, sera le photographe officiel de la commune. Clément Cespo, propriétaire du bar-tabacs de la place, cumule quant à lui les fonctions de secrétaire (1936-1938) et de trésorier (1936-1939 ; 1945-1946).

 

Le comité des fêtes programme et organise les festivités communales. Son président, Jean Louet, est un jeune commerçant cavaillonnais, propriétaire d'un négoce de vins et spiritueux à l'enseigne « À la Coupe d'Or », avenue de l'Abreuvoir (actuelle avenue Abel Sarnette). Membre du conseil d'administration en tant qu'adjoint de Clément Cespo, il est le « Ministre des Loisirs » de la Commune Libre. C'est également le rédacteur en chef du journal « Le Petit Castil-Blaze » (1937-1939) et le présentateur attitré du comité qui anime, avec talent et humour, les cérémonies officielles, les spectacles et les différentes distributions de récompenses.

En 1947, sa notoriété d'organisateur lui vaut d'intégrer le nouveau Comité des Fêtes de la Ville que vient de créer le maire Fleury Mitifiot.

Personnage plein de bonhomie et d'humour, il demeure l'une des figures emblématiques de la vie publique et festive de Cavaillon.

 

Émile Mathieu Claude Maréchal Lazare Depouzier
     

Jacques Chardon Clément Cespo Jean Louet

 

Au fil des années, de nombreuses personnalités du monde du spectacle apportent leur soutien à la Commune Libre et acquièrent ainsi le titre de citoyens d'honneur. C'est le cas de Fernandel (1937), Maurice Chevalier (1938), Pierre Dac (1939), Darcelys (1938), Gorlett (1945), Roger Nicolas (1949) et Jean Nohain (1950).

 

  5/ UN JOURNAL LOUFOQUE : LE PETIT CASTIL-BLAZE  ♦

 

Organe officiel de la Commune Libre, ce journal paraît pour la première fois en juillet 1937. Édité par l'Imprimerie Mistral, il est distribué gracieusement aux administrés de la place quelques jours avant les festivités dont il détaille le programme complet en pages intérieures. Les éditorialistes ne manquent pas de souligner que « bien que paraissant irrégulièrement, ce journal se veut instructif, désopilant, antidérapant, humoristique, lunatique et anti neurasthénique de la première à la dernière page ».

En 1938, il reçoit le parrainage de « L'Os à Moelle », l'hebdomadaire loufoque créé par l'humoriste Pierre Dac.

Au fil de ses colonnes, les lecteurs prennent connaissance de l'actualité communale traitée de façon humoristique. Ils y découvrent également des petites annonces délirantes, des entretiens farfelus, des reportages extravagants et de nombreuses histoires drôles, reflétant pleinement l'esprit de son illustre parrain. En souscrivant de nombreux encarts publicitaires, les commerçants de la place et de la ville apportent un soutien financier conséquent à sa publication.

Interrompue pendant les années de guerre, la parution du « Petit Castil-Blaze » reprend en 1945 avec Joseph Cerutti comme rédacteur en chef. La dernière édition date de 1950.

 

Le Petit Castil-Blaze Une page du journal

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